Ce « concert dansé » se veut d’abord une plongée dans les textures mouvantes et les processus performatifs de déphasage musical « contrôlé » du compositeur new-yorkais Steve REICH.
Partant de trois pièces créées au début de sa carrière (respectivement : « Pendulum music » en 1968, « Six pianos » en 1973, et « Come out » en 1966), les Désinents proposent un objet contraignant qui se voudrait éloigné de toute dramaturgie scénique.
On assiste d’abord à un « happening » qui est l’acte de naissance et la clé du spectacle : c’est comme si tout à coup le concept de concert se réduisait finalement à n’être plus qu’un seul son essentiel, un son unique qui contiendrait tous les sons passés, présents et à venir.
Dans le concert-vidéo qui suit, un pianiste joue différentes boucles permettant la réalisation de cinq parties de piano pré-enregistrées par lui-même. Partant de cet « à plat » de la partition écrite, le montage et le mixage vont permettre de ciseler ces multiples pistes afin d’homogénéiser une base sur laquelle va pouvoir se greffer une partie « live » que le pianiste choisira avant d’entrer en scène. Ainsi, la matière sonore va se jouer des différentes couches et couleurs de l’interprétation (unique) des six pianos par le même pianiste qui, en studio, aura pu opérer des choix dans le timing et l’interprétation dynamique et motivique de la pièce.
Ce générateur de matière tant musicale que visuelle permettra de scruter le corps de l’instrumentiste jusque dans ses moindres recoins, ou nervures.
Le solo de danse sur « Come out » naît de la tension entre un processus chorégraphique très astreignant et un langage musical affirmé de manière quasi abrupte, voire violente. Le danseur est amené à prendre possession d’un espace resserré, tout en respectant deux contraintes : restreindre de plus en plus cet espace jusqu’à devoir tourner autour de lui-même et passer par tous les stades de la station couchée à la station debout. Cette montée spiralée, très forte et très progressive, se nourrit de la musique pour aller chercher un état proche de la transe et retrouver la verticalité du corps exposé.
Toute la pièce part de cette idée de tension intense, d’une longue et formidable anacrouse qui ne connaît pas de limites grâce aux ressources infinies du son, du mouvement, de l’espace et surtout de la présence forte de l’esprit et du corps des interprètes. La voix serait peut-être le dernier rempart à franchir pour basculer dans un univers encore plus intime qu’il n’en paraissait de prime abord. Néanmoins, seul le silence qui suit l’agitation parle, toute la matière est située dans cet espace blanc qui voudrait ne pas révéler son nom.
Finalement, la musique de Steve REICH permet une mise en abîme du corps, alliée à une esthétique de la disparition.
Extrait de la Note d’Intention
Générique
Conception, dramaturgie musicale et chorégraphie
Aurélien RICHARD
Interprétation
Aurélien RICHARD
nd