Dans NOCES/QUATUOR, dix danseurs évoluent à travers la matière chorégraphique, musicale et scénographique des Noces de 1923 (NIJINSKA / STRAVINSKI/ GONTCHAROVA).
Ils la compressent, la triturent, la transforment pour mieux en exacerber sa densité et en troubler ainsi la perception. Aurélien RICHARD, compositeur et chorégraphe, saisit ici le prétexte d’une écriture parallèle, la sienne, pour la confronter avec les sources multiples à disposition (partition Laban, enregistrements d’époque, manuscrits originaux, vidéos…).
Il s’agit ici de proposer au public une transformation par déportation de l’objet initial, un remix aussi bien musical que chorégraphique dans lequel l’on éprouve les corps, les sons et où l’on ouvre sur des espaces insoupçonnés, parfois ludiques, parfois déments, forcément étranges.
Deux écritures à partir de Noces :
Dix interprètes pour « activer » en silence la musique des Noces d’Igor STRAVINSKI. Un travail sur la polyrythmie et l’unisson et ainsi aborder la notion de « personnage rythmique » qu’Olivier MESSIAEN a convoqué à diverses reprises dans son Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie. Rattachés à une oreillette leur transmettant non la musique mais les tempi de chaque section de l’œuvre, les exécutants de la partition chorégraphique sont acculés à produire du geste qui donne à « lire » la partition musicale (utopie ou réalité.). Partant de différentes retranscriptions de la création originale de Bronislava NIJINSKA ainsi que de traces vidéo de plusieurs interprétations (celles de l’Opéra de Paris ou du Royal Ballet), je veux travailler sur un « réservoir » de treize postures. En les agençant dans diverses constructions (unisson, canon, miroirs, en augmentation ou diminution, etc…) et en faisant appel à des qualités d’interprétation multiples (travail sur la respiration, le poids, l’amplitude, l’énergie, la scansion, le marquage…), je souhaite dégager ce qui fait l’extrême précision de geste de NIJINSKA, sa formidable prégnance dans les corps mais aussi et surtout ce qui peut permettre à des interprètes aujourd’hui de proposer une matière à eux à partir de ces postures, permettant des états de corps différents pour chacun selon les qualités retenues.
Dix interprètes (les mêmes que précédemment) exécutent une partition chorégraphique (la même que précédemment) « sur » la musique de STRAVINSKI, qu’ils vont eux-mêmes construire.
En effet, par un système de pédaliers, ils vont activer les différentes parties des quatre pianos de la partition de STRAVINSKI préalablement enregistrées en studio. Ainsi, toute la construction du ballet est inversée : alors qu’habituellement l’on va plutôt essayer de régler des mouvements « sur » la musique, ici il s’agirait plutôt de placer l’interprète au cœur de l’acte créatif en lui proposant de tout prendre en charge, la production de mouvement comme celle du son. Il pourra ainsi procéder par accumulation, en segmentant et isolant d’abord des portions du processus (reconnaissables donc pour la lecture de la construction de la pièce par le public) pour les mixer ensuite, individuellement mais aussi « dans le groupe », dans une extrême « occupation » de son souffle, de son espace musculaire et de l’espace scénique. Je pense beaucoup en écrivant NOCES au principe des voix « en-dehors » et des voix secondaires chez Arnold SCHOENBERG (Hauptstimme ou Nebenstimme) et que reprend fréquemment Pascal DUSAPIN dans sa pensée musicale rhizomatique. C’est exactement ce que l’on peut trouver au cinéma lors d’un zoom avant ou arrière sur un même sujet.
Que se passe-t-il alors dans la perception de l’écriture du mouvement en confrontant deux versions si différentes? Qu’apporte la musique à cette danse, l’accompagne-t-elle, la sous-tend-elle? La danse devient elle objet incarné ou simple transmetteur d’une vibration de l’espace ou les deux à la fois?
NOCES, ou comment, en partant d’une partition chorégraphique et musicale imposée à chacun des interprètes, réactiver une théâtralité « sur le bord », qui s’échapperait de la contrainte pour nalement envahir et dissoudre le plateau. Mon souhait par rapport à cette pièce ne réside pas dans la volonté d’un remontage du ballet de NIJINSKA ni d’une nouvelle création sur l’argument des « Noces » ou sa musique, mais bel et bien de partir de ce qui existe déjà, de ce qui n’a pas forcément été traité ou ré-interprété, et de s’en emparer, puis de s’en défaire, dans le même mouvement.
La Presse en Parle
Générique
Conception, réalisation chorégraphique et musicale
Aurélien RICHARD
Interprétation
Benoist BOUVOT
Christine CARADEC
Marie-Laure CARADEC
Sylvain DUFOUR
Thierry GRAPOTTE
Bruno MOINARD
Edouard PELLERAY
Enora RIVIERE
Yasmine YOUCEF
Une pièce inspirée par « Les Noces »
chorégraphie de Bronislava NIJINSKA, musique d’Igor STRAVINSKI, scénographie de Natalia GONTCHAROVA
Assistante chorégraphique et notatrice Laban
Christine CARADEC
Scénographie, costumes et accesssoires
Thierry GRAPOTTE
Maquillage
Sylvain DUFOUR
Son et spatialisation
Benoit BOUVOT
Lumière
Bruno MOINARD
Production
LIMINAL
Co-production
Centre national de la Danse / le Quartz – Scène nationale de Brest / CDC Toulouse Midi-Pyrénées / Le Musée de la Danse dans le cadre de la mission Accueil-Studio. Avec le soutien de la DRAC Bretagne dans le cadre de l’aide au projet.
Avec l’aide à la production ARCADI et la participation du DICRéAM / CNC.
Avec le soutien de la ménagerie de verre dans le cadre du Studiolab.
Remerciements à la compagnie Lola Gatt / Gaël Sesboüé, la compagnie Achles / David Wampach, le Théâtre de la Bastille, Alain Béhar, Vanessa Wagner, Christelle André, Sabine Seifert, Edwige Phitoussi, Anne-Teresa de Keersmaeker, Olivier Tholliez, Thomas Adam- Garnung et Georges-Elie Octors.